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“Tonight I'm gonna have myself a real good time
I feel alive
And the world I'll turn it inside out, yeah
I'm floating around in ecstasy
So, (don't stop me now)
(Don't stop me)
'Cause I'm having a good time, having a good time”Queen, Don’t stop me now
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☕ Edito : L’art, ce précieux médicament
🍛 Le Digest de la semaine : Quand la musique est bonne
🍹 Take Away “Fraîcheur” : Pourquoi l’art c’est si beau
☕ Edito : L’art, ce précieux médicament
Nous sommes en attente d’une injection de vaccin, notre santé mentale est mise à rude épreuve. Pourquoi pas une bonne dose d’art pour se remettre d’aplomb (depuis chez soi) ? Voici l’avis des neuroscientifiques sur la question.
📷 @crudeoil2.0 (sur Instagram)
L’art soigne, c’est prouvé scientifiquement
Les neurosciences l’affirment depuis plusieurs années : l’art joue un rôle déterminant dans le processus de guérison et de traitement de la douleur. Le contact avec une oeuvre d’art provoque des sensations de plaisir, stimule le raisonnement cognitif et réduit l’anxiété. L’art réveille le fameux “élan vital” ou plus simplement notre envie de vivre.
Le neurologue Pierre Lemarquis, spécialiste de l’art-thérapie nous en explique les raisons. Le contact avec une oeuvre d’art (imaginons la Joconde !) “sécrète de la dopamine et des hormones telles que la sérotonine présente dans les anti-dépresseurs”. Une oeuvre a également “des effets sur la morphine endogène”. L’effet thérapeutique est provoqué par le sentiment du beau. Un tableau, un film, une photo, de la musique, peuvent créer cette sensation de plaisir pourvu qu’on les trouve “beaux”.
👉 Regarder : “Neurosciences : comment l’art nous guérit ?” (France culture, janvier 2021)
La guérison de la chanteuse de jazz Melody Gardot est un exemple célèbre de l’efficacité du traitement thérapeutique par la musique. Adolescente, Melody Gardot se destinait à la peinture. Mais en 2003, à 19 ans à peine, elle est victime d’un grave accident de vélo. A l’hôpital, elle découvre qu’elle a le bassin brisé, des lésions cérébrales et de multiples traumatismes. Elle passe plus d’un an allongée. C’est grâce à la musicothérapie qu’elle retrouve progressivement ses facultés motrices et cognitives et… l’envie de vivre.
👉 Lire : “Quand la science prouve que l’art fait du bien” (Le Monde)
C’est toujours mieux chez les autres … en fait, non ?!
Chez nos cousins du Québec les praticiens de l’organisme “Médecins français” prescrivent depuis plusieurs années des “ordonnances muséales”, en partenariat avec le musée des Beaux-arts de Montréal.
Ne vous méprenez pourtant pas sur la qualité de la prise en charge française ! A Tours, les hôpitaux proposent déjà aux malades des ateliers d’art-thérapie. C’est d’ailleurs dans cette ville qu’a été créée l’Afratapem, l’Ecole d’art-thérapie (comme son nom le laissait prévoir 😱). L’enseignement est dispensé à Lille, Grenoble et … en Corée !
👉 Lire : L’Art est-il bon pour la santé, Beaux-arts magazine, janvier 2019
L’art-thérapie a des effets positifs sur tous les troubles anxieux et les maladies mentales telles que la schizophrénie et l’autisme. D’autres effets positifs sur la confiance en soi et la motricité sont également remarqués.
Ce qu’en disent les anciens
La valeur thérapeutique de l’art n’est pas une invention. L’influence de la beauté sur les Hommes est louée depuis (au moins) l’Antiquité. Aristote dans la Poétique vantait les mérites de la “catharsis” provoquée par l’art. La tragédie vide l’âme de ses angoisses les plus profondes.
Attention toutefois ! Les Grecs entretiennent une méfiance vis-à-vis de l’art. Il stimule la sensibilité humaine et trompe la raison par les sens. Il est propice à la confusion. L’art est une illusion à ne pas célébrer au sein de la cité. Le beau doit être codifié.
Dans nos sociétés contemporaines, le '“syndrome de Stendhal” est observé chez nombre de touristes dans le monde (enfin… avant la pandémie !). Devant une oeuvre d’art, un.e visiteur.se peut se retrouver subjugué.e au point de ne plus pouvoir ni bouger, ni parler. Comme Stendhal lorsqu’il est sorti bouleversé de la basilique Santa Croce de Florence.
L’art fait en réalité appel à ce que nous avons de plus profondément humain. Avant même l’écriture, la rationalisation du monde, les hommes des cavernes ont dessiné et peint. Les grottes ornées à travers le monde attestent du besoin spontané d’exprimer sa sensibilité. Loin d’être une lubie, l’art-thérapie est donc bien une discipline thérapeutique légitime.
Vous reprendrez bien une petite dose ? 🧐
🍛 Le Digest de la semaine : Quand la musique est bonne
Alessandro Barrico, L’âme de Hegel et les vaches du Wisconsin, Folio, Gallimard
Vos goûts en disent long sur votre personnalité. Surtout en matière de musique. Faites-vous partie de ceux qui sont plutôt jazz, classique, rap, r’n’b? Pas si simple. Comment savoir si la musique est bonne ? Des chercheurs de l’Université du Wisconsin ont découvert que la production de lait augmentait de 7,5% chez les vaches qui écoutent de la musique symphonique. Alors naturellement il faudrait écouter de la musique classique 🧐 ?
Qu’est-ce qu’il y a de si singulier dans la musique classique (ou “musique cultivée” selon les mots d’Alessandro Barrico) pour qu’elle provoque un tel sentiment de bien-être?
📷 Malevitch, Vache et violon, Musée russe, Saint Pétersbourg
La supériorité de la musique symphonique est une invention élitiste
Pour Alessandro Barrico, il est pédant de présupposer de la supériorité de la musique symphonique, ou classique sur tous les autres genres musicaux.
La faute à qui ? A Beethoven. Depuis le XIXème siècle, la musique classique est écoutée par une catégorie sociale identifiée qui cherche à se distinguer en cloisonnant un type de musique dans un cercle élitiste. Il y aurait la bonne musique cultivée… et il y aurait le reste.
Au départ, la musique n’est ni plus ni moins qu’un “artisanat raffiné” (p. 24) érigé au rang suprême d’art, par une élite désireuse de codifier ses goûts, ses habitudes musicales.
L’art, la musique ne valent que par le travail d’interprétation
La musique existe parce qu’elle est soumise continuellement à l’interprétation. Comme n’importe quel oeuvre d’art. Alessandro Barrico évoque un “instinct d’interprétation” (p. 37) profondément humain. La musique classique se distingue lorsqu’elle suscite cet instinct d’interprétation.
Il ne faut pas idéaliser les oeuvres originales. En musique, il faut pouvoir s’approprier des morceaux, quel que soit le compositeur. Alessandro Barrico mentionne d’ailleurs Glenn Gould comme le meilleur interprète : libre et audacieux. La musique est un patrimoine en construction permanente. L’oeuvre est un “moment de vérité provisoire” (p. 55). Il faut s’approprier l’art.
La musique contemporaine (ou atonale) est selon lui une erreur
Alessandro Barrico qualifie la musique atonale de “musique en exil” (p. 65). L’intérêt pour la musique atonale est une erreur moderne. Nous croyons qu’il s’agit d’une extension du “patrimoine naturel des sons” (p. 68).
Pour lui, la musique contemporain n’est pas intéressante car elle égare le collectif. Très peu d’auditeurs sont capables de comprendre ce qui est joué. Les accords habituels et les règles de base sont remplacés par des éléments inattendus sans aucune valeur esthétique.
Le vrai plaisir musical se trouverait plutôt dans le rock par exemple. La musique peut être comprise, appréciée et interprétée par un large public.
La musique évolue aujourd’hui sous une influence précise : le sens du spectacle.
Comment renouer les liens entre la musique symphonique et la modernité ? Oui parce qu’on ne va pas se mentir… la musique classique, c’est plutôt vieillot. L’enjeu pour l’auteur est de rétablir une musique harmonieuse.
Pour que la musique soit moderne il faut qu’elle soit spectaculaire, comprise par tous, plaise à tous. C’est une chance et une condamnation pour la musique. L’auteur donne deux exemples de compositeurs classiques qui ont compris cet enjeu.
Avec Puccini, l’oeuvre d’art devient un objet de consommation. L’artiste n’est plus un “pionnier solitaire d’horizons élevés” (p. 104), l’oeuvre n’est que la “cristallisation de l’imaginaire collectif” (p.104). Il faut comprendre les désirs et les affects du public.
Avec Mahler la réalité est toute autre. Barrico va jusqu’à dire qu’il a inventé le cinéma sans le savoir. Le compositeur s’inspire de chansonnettes, de refrains populaires et compose des fragments sonores dissymétriques. Il n’y a plus une partition unique, mais des scènes séquencées, visuelles, narrées.
Que faut-il conclure ? C’est le pianiste Glenn Gould qui répond le mieux au questionnement d’Alessandro Barrico :
“L'objectif de l'art n'est pas le déclenchement d'une sécrétion momentanée d'adrénaline, mais la construction, sur la durée d'une vie, d'un état d'émerveillement et de sérénité.”
🍹 Take Away “Fraîcheur” : Pourquoi l’art est si beau
Comprendre les bienfaits une oeuvre
📚 Pierre Lemarquis, L’Art qui guérit, Editions Hazan, 2020
📚 Charles Pépin, Quand la beauté nous sauve, Editions Robert Laffont 👉 Lien Babelio
🎤 Daniel Arasse, “Histoires de peinture : La Joconde”, un enregistrement pour France culture. Ecouter ici 👉 La Joconde
📚 Daniel Arasse, Histoires de peinture, Editions Gallimard 👉 Lien Babelio
💻 “L’impact du beau sur le cerveau”, Institut national du patrimoine, Pierre Lemarquis, 23 juillet 2019. Regarder ici 👉 Vidéo Youtube
📚 Jean-Pierre Changeux, Du vrai, du beau, du bien, Editions Odile Jacob
Une histoire d’art qui fait du bien
📚 Alessandro Barrico, Soie, Editions Gallimard 👉 Lien Babelio
📚 David Foenkinos, Vers la beauté, Gallimard 👉 Découvrir sur Babelio
🎧 Queen, “Don’t stop me now”. D’après le neurologue Pierre Lemarquis, ce morceau présente toutes les caractéristiques pour stimuler votre élan vital. Tempo rapide, paroles apaisantes. 👉 Don’t stop me now
🎥 “En thérapie”. D’une pierre deux coups : une thérapie, et une série. 👉 Sur Arte
💻 Le site web “Music that heals” vous offre un répertoire très “ASMR” 👉 Je regarde le site